Il était une fois quelques morceaux d’argile qui somnolaient sur la Terre. Leur vie minérale s’écoulait dans l’indifférence des jours, sans les voir ni les compter. C’était l’harmonie.
Un jour, un des morceaux d’argile se mit à rêver.
« J’ai bien envie…. »
Un souffle de vent passe, et le morceau d’argile semble tout à son rêve.Il poursuit:
« J’ai bien envie de me laver les mains avant de manger. Et de porter un sabre à ma ceinture, là, du côté gauche, et je le saisirai de ma main droite, comme ça. »
Le morceau d’argile remue un peu. Ce n’est pas encore convaincant, mais, enthousiaste, il continue:
« Ha oui, et de cette même main, qui aura cinq doigts, hé bien je tiendrai une plume. Ainsi, j’écrirai. J’aurai un alphabet, des nombres. Mais ce n’est pas tout: je n’écrirai pas n’importe quoi. Je ferai des poèmes et des lettres. »
Le morceau d’argile remue d’aise, se saisissant peu à peu en un vague monticule.
« Mais aussi, je donnerai des ordres. et je lèverai des armées. J’irai au champ de bataille. Je marcherai sur la plaine. Je signerai des décrets, des traités, des lois; et aussi, je me révolterai contre les injustices; je pendrai mes ennemis au bout d’une corde. Je ferai des dictatures et des révolutions. Je crierai « vive la liberté! ». Je fera des républiques… Et aussi je resterai, apathique, chez moi, je regarderai passer le monde et mourir mes enfants. »
Le morceau d’argile soupire d’aise, et s’aplatit un peu. Mais, presqu’aussitôt, il se saisit de plus belle, se relève, se dresse, se met à esquisser une forme.
« Il y aura des femmes; je tomberai amoureux. Je leur ferai porter des robes de toutes les couleurs. Elles me rendront fou; je leur écrirai des poèmes. Je leur ferai des enfants. Pour elles, je ferai encore la guerre; puis je la ferai contre elles, aussi. Je les aimerai, j’aurai peur d’elles; je les dominerai. Je serai colérique, violent, amer, doux, misérable. Je serai aigri, seul et dévasté… »
A présent, les autres morceaux d’argile l’observent avec attention, ainsi que toutes les pierres et les cailloux alentour.
« A la fin, je me tuerai moi-même. Je me suiciderai… Mais je tuerai aussi mes semblables, et je tuerai les femmes. Elles seront faiblesses, beauté…
-Il y aura aussi d’autres créatures, dit une pierre.
-Bien sur qu’il y en aura ! et je les dominerai à leur tour. Je leur mettrai des laisses, des oeillères, je monterai sur leur dos. Je les tuerai et les mangerai. Mais je les aimerai aussi. Je n’existerai pas sans elles… Je mangerai de la viande, car je serai riche, puis lorsque je serai pauvre, je continuerai d’en manger. J’inventerai des fermes. »
Le morceau d’argile est de plus en plus haut, maintenant. Déjà, il a esquissé quelques formes. il continue:
« Je porterai des chapeaux, des bottes et des chemises, des redingotes, des capes. J’irai à cheval à travers le pays. J’aurai des coutumes, je parlerai une langue, peut-être deux. Je parlerai aux autres et me moquerai d’eux. Je pisserai debout. »
Tout en parlant, le morceau d’argile s’enthousiasme et prend peu à peu forme humaine.
« Je mangerai dans une assiette, avec une fourchette à droite, et à gauche, un couteau. J’aurai un verre à eau, un verre à vin. J’aurai des mouchoirs brodés. Mes bottes feront du bruit quand je marcherai sur les routes. »
Les autres morceaux de terre et de pierre sursautent à cette idée.
-Il y aura des routes?
-Oui, et elles seront pavées. Je bâtirai des maisons, et leur toit aura des tuiles rouges. Dedans, il y aura ma famille, et je leur enseignerai mes coutumes, et j’ignorerais celles des autres. Je serai l’Homme.
Un autre morceau d’argile fait alors remarquer:
-Tu ne pourras pas être l’Homme. Tu seras un homme parmi d’autres.
-Non, non, je serai l’Homme, réplique le morceau d’argile, qui, à présent, a presque entièrement forme humaine. J’aurai une religion, et ce sera la vraie religion. Je lirai la bible et l’apprendrai à mes enfants. J’inventerai des mots, mais pas trop. Mes ongles seront propres. Je porterai une alliance à un doigt, quand je serai marié; je…
-Il n’y aura donc pas d’autres hommes?
A cette question, le morceau d’argile parait décontenancé. Puis il se reprend:
-Si, il y en aura. Et aussi des femmes. Mais moi je serai l’Homme, l’unique, le vrai. Je ne devrai pas être comme tout le monde; les autres devront être comme moi, jusqu’à la couleur de ma peau. Je les soumettrai tous, tous les autres, et aussi les animaux et les femmes, et les enfants et les vieux. Je serai l’Homme et j’écrirai mon nom avec un H majuscule.
Les autres pierres s’écrient: Quelle arrogance! Quelle prétention ! Mais déjà le morceau de glaise avait deux longues jambes. Il se leva et partit.
-On ne devrait peut-être pas le laisser faire, dit un caillou.
-Ben oui, répondit un autre; mais nous, on n’est que de la terre et des pierres, que pouvons-nous contre l’Homme? »
Déjà il était loin.
Ce commentaire est assez représentatif de la façon dont la plupart des gens considèrent le sexe chez « l’animal »: une fonction reproductrice.
Sans vouloir me la péter, j’ai un master en physiologie de la reproduction animale, donc je me dois avant toute chose de contredire cet avis. Car oui, les modes de reproduction citées dans l’article relèvent bien de la sexualité, ce n’est ni anthropomorphique, ni « peu scientifique ». La reproduction des animaux ne concerne d’ailleurs pas seulement la sexualité. Cela concerne également la reproduction non sexuée, mais aussi l’embryologénèse, la parthénogénèse, les comportements maternels, les comportements des nouveaux-nés, etc. La sexualité n’est qu’une partie (importante) de la reproduction des animaux.
Exit donc la première phrase du commentaire. Que reste-t-il? Un avis très répandu selon lequel les animaux ne se reproduisent pas par plaisir, mais par… heu… Par magie? En fait, le commentaire ne le dit pas.
Le commentaire ne le dit pas, mais comme il s’agit d’une formulation de la pensée unique, on peut le deviner. Les limaces en question « se reproduisent dans les arbres, en laissant pendre leurs phallus, qui s’enroulent de façon hélicoïdale.(…) Les limaces échangent leur sperme par l’extrémité de ce phallus« .
Si ce n’est pas par plaisir, pourquoi ces limaces feraient-elles ça?
Par instinct?
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